« H » comme « Globule Blaster » ou « Atomic Avenger »

Publié le par Alphonse Boudabard

Je n'ai peut être pas l'air, comme ça, mais j'ai connu l'époque héroïque des premiers ordinateurs individuels. Oui, bon, ça va...

On ne les appelait pas encore PC ou MAC comme aujourd'hui mais « ordinateurs domestiques »; pour les différencier, sans doute, des troupeaux d'ordinateurs qui devaient prospérer à l'état sauvage dans les savanes lointaines des entreprises. L'ordinateur personnel avait du être ramené et apprivoisé par d'aventureux explorateurs à l'occasion d'une de ces longues expéditions de découvertes qui repoussèrent les limites du savoir et de la connaissance.

A cette époque, «jouer à l'ordinateur » consistait à brancher un sommaire boitier à la télé du salon. Puis à aligner sans se poser de questions (surtout pas !) une suite de lettres et de chiffres absolument incompréhensibles à l'aide d'un clavier dont les touches étaient aussi dures que bruyantes. Une fois cette tâche d'une drôlerie folle réalisée, on « lançait le programme » le coeur battant en appuyant sur la grosse touche « entrée » de la bécane. Clok !

Auparavant, on avait convoqué toute la famille (chien compris) pour assister à ce lancement digne d'Apollo XI et des premiers pas sur la Lune. « Vous allez voir ce que vous allez voir ! », on lançait sans aucune modestie, à un entourage grincheux d'avoir été dérangé mais quand même curieux de savoir ce que cet écran vert ou bleu pouvait avoir de si excitant. Evidemment, à cette invitation, l'ordinateur, lui, répondait invariablement « syntax error » pour signifier dans sa langue qu'il ne comprenait pas le programme du fait des fautes de frappe involontairement glissées par les gros doigts fébriles de l'opérateur débutant lors du recopiage du code. S'ensuivait, avec la déception des proches, une fastidieuse phase de relecture au cours de laquelle il fallait comparer le texte papier du code au salmigondi numérique affiché sur l'écran. Aujourd'hui on dit « débugger». A l'époque, on ne disait rien. On se contentait de soupirer.

Et puis enfin, le miracle se produisait (je prends l'hypothèse la plus optimiste: le cas où ça finissait quand même par marcher - mais j'abrège de quelques heures voire semaines). On pouvait alors gouter aux joies envivrantes de l'informatique ludique grâce aux touches « W » et « ! » qui permettaient de déplacer dans l'écran un curseur en forme de « H » qui crachait des « i » quand on appuyait sur la barre « espace ». Le tout pour abattre sans pitié les vilains « M » qui tombaient du ciel pour attaquer la terre. Un jeu absolument irrésistible qui devait s'appeler « Globule Blaster » ou encore « Atomic Avenger » car le marketing numérique était déjà en marche.

C'est sans doute à l'occasion de ces grandes séances de présentation dans le salon qu'un insondable et irréversible fossé s'est creusé entre les familles et ces pionniers du jeu vidéo. Celles-ci s'étant lassées à la longue d'être dérangées plusieurs fois par jour à grand cris pour assister au simple déplacement d'un « H » sur un écran de téléviseur. Une incompréhension d'autant plus malheureuse que cette lettre représentait pourtant (ou pas) le dernier rempart de la civilisation contre les hordes d'envahisseurs extraterrestres (on dit depuis « aliens ») qui déferlaient sur notre belle planète bleue (ou verte, selon la couleur du fond d'écran) !

Si ces fameuses convocations familliales à de grands messes de lancement informatiques n'ont eu (au mieux) qu'un effet mitigé sur notre entourage proche, elles sont devenues une grande tradition marketing pour des gens tels que Bill Gates ou Steve Job, totalement inconnus à l'époque mais qui, eux, ont sans doute bénéficié de la bienveillance dun environnement plus ouvert à l'abstraction alphabétique...et plus réceptif la menace martiennes potentielle.

Pour finir ce premier volet d'informatique nostalgie, je ne résiste pas au plaisir quasi érotique de te dévoiler un Apple IIe dans son plus simple appareil(lage). Après toutes ces années, cela me fait toujours quelque chose de voir cette image. Ce transfo en alu anodisé or, cette carte mère si épurée, ces chips si bien alignés... Glups ! J'en défaille encore.

Victime sans doute du "sex Apple"...

A SUIVRE...

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F
comme quoi tu aurais pu être avocat ou médecin si tu n'avait pas gaché toutes ses belles heures de jeunesses devant un écran vilain sur lequel défilait des jeux déjà abrutissants.<br /> jeune oisif, ton père avait raison!
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A
<br /> Ouais. Et encore je ne te parle pas (ou très peu) de mes amis. (cf le billet des "amis qui font honte").<br /> Qu'est ce que tu veux, des fois, le destin te joue des tours à sa façon. Pas facile de réussir avec de tels amis...et leur (si) mauvaise influence.<br /> (comme dirait ma mère).<br /> <br /> <br />